Depuis 2018, les étés ont battu tous les records de canicule et de sécheresse en Europe. Quelles conséquences pour le jardin, les arbres, les buissons, les fleurs et le gazon?
Un été caniculaire
La canicule au jardin en 2018 nous a offert deux mois de chaleur et de sécheresse. Toutes les photos de ce reportage ont été prises au sud de Bruxelles les 10 et 11 août 2018. Aujourd’hui, nous avons retrouvé un temps normal, moins chaud et quelques pluies sont venues rafraîchir l’atmosphère. Mais les plantes ont beaucoup souffert. Certains arbres et buissons ont littéralement grillé. Bordé par un alignement de tilleuls, mon chemin d’entrée est ombragé en été par une couronne dense de feuillage. Il est aujourd’hui beaucoup plus lumineux car les arbres ont perdu une partie de leur feuillage. Le sol est couvert d’un tapis de feuilles mortes, comme en automne.
Pas de jardin sans eau
L’eau entretient avec la plante des rapports particulièrement intimes. D’abord parce que l’eau représente 60 à 95% du poids des plantes. Ensuite, parce que l’eau pompée par les racines assure plusieurs fonctions lors de sa traversée du végétal: apport de sels minéraux, croissance, régulation des échanges thermiques, contribution à la photosynthèse en fixant le CO2 atmosphérique. Si la consommation d’eau d’une plante est énorme, 90% environ de la quantité d’eau absorbée par les racines s’évapore au niveau des feuilles. Quand l’eau manque, les feuilles et les fleurs flétrissent, se dessèchent et la plante meurt. C’est sous un soleil de plomb ou sous l’effet d’un vent séchant que les plantes perdent le plus d’eau. Mais les arbres peuvent aussi laisser tomber leurs feuilles pour éviter une transpiration excessive. Par exemple, le Cercidiphyllum se met en dormance beaucoup plus tôt et prépare de nouveaux bourgeons pour l’année d’après.
La sécheresse au jardin
Après seulement deux semaines de fortes chaleurs doublées d’absence de pluie, une majorité d’arbres se retrouve en difficulté. Face à la sécheresse, certains arbres résistent pourtant mieux que d’autres. Ainsi, grâce à leur enracinement profond, le chêne et le cèdre sont plus résistants que le hêtre et l’épicea. Chez les feuillus, le stress de la sécheresse ne permet pas de prédire la survie des plantes les années suivantes. Certains vont peut être mourir mais la plupart vont débourrer normalement le printemps suivant car ils ont formés de nouveaux bourgeons. Chez les résineux persistants par contre, un brunissement important du feuillage, souvent en cime, est très fréquemment gage de mortalité à terme.
Sous le couvert des arbres
Dans la forêt de Soignes à Bruxelles, les grands hêtres pourpres qui bordent la Drève de Lorraine semblent à l’agonie. Ils ont perdu la plupart de leurs feuilles. A quelques mètres de là, il est étonnant de constater que les hêtres de la forêt sont en bien meilleure forme. Un sol forestier régulièrement ombré se dessèche beaucoup moins qu’un sol dénudé. Il peut y avoir dix degrés de différence entre les deux situations. Cet abaissement de la température qui freine l’évaporation de l’eau provient, outre de l’ombrage, essentiellement de la biomasse. La couche d’humus du sol est épaisse et la masse totale jour le rôle d’isolant thermique et de rétenteur d’eau. Par ailleurs, les racines et les radicelles des arbres sont garnies de poils absorbants qui démultiplient la surface en contact avec la terre et permettent ainsi d’aspirer un maximum d’eau et de nutriments. (voir mon guide sur le jardin bioclimatique)
Rhododendron et Hortensia
Si les houx, les photinias et les noisetiers se portent comme un charme, les rhododendrons et les hortensias ont souffert du manque d’eau. Ce sont deux plantes originaires d’Asie habituées aux pluies estivales. Les rhododendrons ont mal résisté au stress de la sécheresse, même ceux plantés en bordure du bois. Leurs racines sont superficielles et ils résistent difficilement à la sécheresse. Dans le meilleur des cas, leur feuillage pend lamentablement. Avec un peu de pluie, ils vont sans doute reprendre. Mais certains ont perdu toutes leurs feuilles. En automne, il faudra couper toutes les branches à 50cm du sol en espérant qu’ils redémarrent du pied. Les hortensias qui sont au soleil et qui n’ont pas pu être arrosés sont aussi dans un triste état. Ce sont surtout les Hydrangea macrophylla, serrata et aspera qui ont souffert. La plupart des fleurs ont séché prématurément ainsi qu’une partie du feuillage. Ici aussi, l’année prochaine la plupart des buissons repartiront sans problème. En attendant, il suffit de supprimer les fleurs séchées disgracieuses. Pour les hortensias les plus atteints, il faudra sans doute les rabattre à 10cm du sol fin octobre ou fin février. (voir mon reportage sur les Arbustes qui résistent à la sécheresse)
Le gazon est grillé
C’est autant la chaleur que le manque d’eau qui a complètement grillé le gazon. Les parties à l’ombre dans mon jardin ont gardé un aspect bien vert et dès la première pluie les graminées sont reparties avec vigueur. Par contre, la pelouse qui est exposée en plein soleil ressemble à un paillasson. Devant la terrasse, j’avais tenté de sauver l’herbe en l’arrosant sur quelques mètres. Mais cette partie est devenue aussi jaune que le reste du gazon. Mon terrain étant sablonneux, l’herbe pousse très lentement et il y a autant de mousse que de graminées. La mousse a complètement noirci. Le gazon n’est pas mort mais la grande question est de savoir quand il va redevenir un tapis vert. Probablement dès les premières pluies de l’automne pour les parties ombragées. Celles qui ont le plus souffert devront être scarifiées et ressemées par endroit.
Les plantes vivaces
Proches de la maison et du tuyau d’arrosage, les plantes herbacées ont mieux résisté à la sécheresse. Mon mixed-border est en bonne forme. Seul le feuillage des plumonaires a complètement noirci prématurément. Les anémones du Japon n’ont jamais été aussi florifères, mais les fleurs sont beaucoup plus petites. Les Sedum ‘Herbstfreude’ sont plus compacts avec des tiges plus fermes. Ma voisine n’a pas arrosé son jardin. Les touffes de sedum rassemblent des fleurs vertes et des ombelles brunes et grillées. Le feuillage des géranium vivaces et des alchémilles a également bruni. Ce sont pourtant des plantes réputées très résistantes à la sécheresse. Mais si le feuillage est coupé au raz du sol, un nouveau repoussera rapidement. (voir mon reportage sur les plantes vivaces qui résistent à la sécheresse)
Canicule et sécheresse, comment sauver son jardin?
Que retenir de cette période de sécheresse et de chaleur dans notre jardin et comment s’adapter au changement climatique? (voir mon reportage sur la Canicule et la sécheresse, comment sauver son jardin? et sur le Guide du Jardin bioclimatique)
Deux mois plus tard
Fin octobre 2018. La sécheresse aura des conséquences plus importantes sur les végétaux que je ne le pensais. Il y a des arbres qui ne vont sans doute pas survivre. Le cèdre de l’Himalaya Cedrus deodara que j’ai planté il y a 30 a perdu presque toutes ses aiguilles. C’est fini pour lui. Tout comme certains rhododendrons. Les feuilles et les rameaux sont totalement séchés. Même coupés au raz du sol, il ne vont sans doute pas reprendre. Je croyais à tort qu’un gazon en Belgique ne pouvait pas mourir de sécheresse. Certains endroits sont toujours totalement grillés. Il faudra probablement scarifié et semer au printemps. (voir mon reportage sur le gazon)
Chez certains arbres, ce ne sont que quelques branches qui ont souffert. Une partie de l’arbre probablement moins bien alimentée en eau par des racines plus superficielles. L’érable au milieu de ma pelouse m’offre chaque année une somptueuse coloration automnale. Cette année, la moitié de l’arbre est encore couvert de feuilles dorées alors que l’autre partie a déjà perdu ses feuilles mais porte une multitude de fruits desséchés. (voir mon reportage sur les arbres qui résistent à la sécheresse)
Les arbres n’ont jamais autant fructifiés. Les chênes, les hêtres, les érables, les conifères, tous ont produit une multitude de fruits, comme s’ils se savaient en danger de mort. On dirait qu’ils se reproduisent le plus possible pour assurer leur descendance.
André, un ami qui a un très beau jardin avec une vaste collection d’arbustes, vient de m’envoyer de ses nouvelles à propos de la sécheresse : « J’ai pas mal travaillé dans mon jardin cet automne et il n’y a plus de traces de la sécheresse de cet été. J’ai bougé ou remplacé la plupart des plantes qui ont posé problème durant l’été. Si une nouvelle sécheresse devait encore se produire, je serai donc mieux préparé pour l’affronter sans devoir arroser. Pour les pelouses qui posaient régulièrement problème en cas d’étés secs, j’ai fait un semis avec un gazon spécial pour terrains secs (Water Saver chez Barenbrug) à base de fétuque qui développe des racines très profondes. Je suis curieux de voir le résultat lors d’un prochain été sec. » (voir mon reportage sur le jardin des Vieux Manants)
Sources: http://ephytia.inra.fr/fr/C/18537/Forets-Chaleur-et-canicules et http://ephytia.inra.fr/fr/C/18549/Forets-Secheresse
Rendez-vous dans la rubrique Jardinage, travaux de jardinage, pour découvrir mes reportages sur le Guide du jardin bioclimatique sur Comment sauver son jardin en période de sécheresse et de canicule , sur les Amendements et le Compost qui améliorent la terre, des L‘Arrosage malin au jardin. Voir aussi mon reportage sur les Plantes de rocaille, les Plantes vivaces qui résistent à la sécheresse, les Plantes, arbres, conifères, buissons qui résistent à la sécheresse et les Arbustes qui résistent à la sécheresse et les Plantes du Sud qui s’installent chez nous dans la rubrique Végétaux. Pour découvrir les jardins sur gravier qui s’adaptent à la sécheresse, rendez-vous dans la rubrique Jardinage, Aménagement. Voir aussi mon reportage sur les jardins secs en bord de mer dans la rubrique Découvertes, Portraits, ou cliquez sur les liens.
C’est toujours un plaisir de lire vos reportages, ils sont plein de bon sens et très agréables.
Un grand merci chère Anne-Marie…
Très intéressants conseils sur les tailles à ne pas faire suite à la canicule. Merci
La taille fragilise toujours les arbustes, inutile de les stresser en période de sécheresse…
bonjour. je vais de forums en blogs avec toujours la même question, à laquelle vous répondez pour votre jardin : ne pas tailler lors d’une canicule. je vis sur une île grecque des cyclades, déjà réputée pour sa sécheresse mais depuis ces 2-3 dernières années, c’est un vrai désastre. pour vous donner une idée, il a plus pour tout le mois d’octobre 0,6mm d’eau, même pas un millimètre. et depuis début septembre, en tout, 12mm. les citernes sont vides depuis longtemps, l’eau potable est chère, donc l’arrosage est un casse-tête. ma question est toujours celle-ci : dans des cas non seulement d’extrême sécheresse, très prolongée (sur des années, en fait), mais aussi de vent du nord très sec et desséchant, ne serait-il pas possible de rabattre la végétation (rameaux des arbustes, sommités des plantes vivaces) pour réduire drastiquement les besoins en eau ? je sais que les plantes sont très stressées par les tailles, mais ici elles sont en somme déjà malades, voire mourantes de soif. la taille demande de l’énergie pour réparer les sites de coupe, mais cela ne demande-t-il pas moins d’énergie qu’essayer de nourrir des rameaux et des sommités ? merci d’avance pour votre réponse.
PS : je suis à la recherche sans résultat jusqu’à présent de sites sur les jardins en méditerranée abordant cette question et donc preneuse de toute « bonne adresse » !
Les jardins en Méditerranée et en Belgique ne posent pas les mêmes problèmes et la gestion de l’eau est certainement différente. La taille effectivement réduit l’évaporation du feuillage et les besoins en eau d’une plante. Mais il faut encore savoir tailler au bon moment. J’ai taillé mes bordures de buis cette année au mois de mai et ils ont eu le temps de former un nouveau feuillage avant la canicule ce qui les a protégé de l’insolation. Les buis qui ont été taillés fin juin ont beaucoup plus souffert de la sécheresse. Comme conseil général concernant la sécheresse dans un jardin, je dirais de choisir des plantes adaptées au sol et au climat et de soigner la plantation. Après cela, les plantes sont supposées survivre toutes seules…
la sécheresse aura eu aussi des conséquences sur la production de miel par les abeilles, la flore étant particulièrement très sèche, nos amies les abeilles ont eu quelques difficultés à produire le nectar nourricier qui leur permet de constituer les réserves pour la saison froide, elles auront besoin d’un peu d’aide pour attendre l’arrivée du printemps.
Merci infiniment pour ce partage très instructif. A bientôt
Merci pour toutes ces informations. J’ai un cèdre de l’Himalaya âgé de plus de 40 ans et j’espère qu’il va résister à cette seconde sécheresse. En 1976, j’ai vu un cèdre mourir en quelques semaines. Cela me fait peur. Cette année, même les fleurs de certains hydrangea paniculata sont grillées. C’est triste.
Cet été 2022 dans les jardins ressemble tristement à l’année 2018
Je récolte au maximum l eau du robinet de l èvier pour arroser certaines plantes , on est effaré des quantites d eau utilisèes dans une cuisine ! 100 l par jour !